jeudi 8 mars 2012

Présentation de Fleur Habitson, auteur de Plume, pinceau et bistouri par Sonia Estrilit

                     Salle n° 7 de la bibliothèque du sanctuaire des hypothèses masquées




Notice 4

Si, en apprenant la disparition d’Alberto Fushni, Fleur Habitson se réfugia instinctivement dans ce sanctuaire des hypothèses masquées qu’il fit édifier, à l’automne de sa vie, en bordure ouest du contrefort escarpé qui surplombe les terres basses de Tsal Jaldoum, si elle entreprit avec une sorte de dévotion superstitieuse le seul pèlerinage qui pût encore lui promettre une émotion, une inspiration, une traversée, c’est, à l’évidence, pour combler je ne sais quelle vacance. Souvent, elle se reprochait d’avoir trop pris de lui par l’esprit et insuffisamment par le cœur. Mais, à d’autres moments, aussi, cette exigence du sentiment lui semblait d’une absurdité sans nom : la communion par l’esprit est tellement supérieure ; elle participe d’un jaillissement sans cesse reconduit alors que celle des cœurs finit toujours par se noyer dans une paresseuse et complaisante tendresse. Prostrée durant des mois dans un fauteuil devant le portrait de son feu compagnon - portrait réalisé sur le vif par Bernard Lermite -, elle songeait à tous les mythes et à tous les temples que son exilé du cosmos aurait pu encore profaner. Elle se refusait à admettre que, bien avant de disparaître, il avait déjà fait ses adieux au monde : il n’attendait plus depuis longtemps que quelqu’un vienne sonner à sa porte. Parfois, il avait encore le désir de quelque chose de vivant. Alors, il caressait machinalement son réveille-matin ; seule cette présence lui rappelait qu’il n’était pas complètement mort. En convoquant aujourd’hui ce triste épisode que fut le deuil sans fin de Fleur Habitson, je mesure à quel point les derniers jours de la vie d’Alberto Fushni durent également ressembler à un sourire mouillé de larmes.

Sonia Estrilit, rédactrice en chef de la revue Postures depuis 1994.